A des parents, nous avons demandés ce que le terme « antibiotique » évoquait pour eux ; bien évidemment, les termes « maladie », « infection », « guérison » ou « efficacité », étaient les plus prononcés et ils n’avaient pas tort. L’antibiothérapie est une révolution dans le monde médical. Elle a permis d’inverser le devenir des malades en leur garantissant la survie. Cela fera bientôt 100 ans depuis la découverte de Alexander Fleming et de son 1er antibiotique, la pénicilline, que l’humanité lutte avec plus ou moins de succès contre les bactéries.
Aussi paradoxal que cela puisse l’être, notre organisme est inondé de bactéries. Ces bactéries qui cohabitent avec nous, sont présentes aussi bien sur la peau et que sur les différentes muqueuses (poumon, œil, vagin, tube digestif) et constituent ce qu’on appelle le microbiote.
Aujourd’hui, il est établi que ce microbiote détermine par des mécanismes complexes nos goûts, notre personnalité, notre humeur, etc. ; en définitive, fait de nous ce que nous sommes. On comprend dès lors que toute modification de ce microbiote de quelque façon que ce soit, nous sera préjudiciable.
Un focus sur le microbiote intestinal, nous permet de constater qu’il comprend 95% des bactéries du corps humain. Mises bout à bout, ces bactéries feraient le tour de la terre et pèseraient environ 2 kg.
Pour certains, le microbiote intestinal serait le 2ème cerveau car il module l’action de notre cerveau principal concernant de nombreux mécanismes comme la faim, l’humeur, l’anxiété, etc. Il intervient dans le développement du système immunitaire, dans le stockage des graisses, dans la digestion, dans la synthèse des vitamines et surtout contre l’envahissement de l’organisme par de nombreux microbes pathogènes.
Le microbiote intestinal se met en place dès la naissance et est impacté par le mode de naissance, le mode d’allaitement, le type d’alimentation (gras, sucré, protéines, etc.) mais aussi par les médicaments avec en chef de file les antibiotiques.
Prendre un antibiotique n’est donc pas anodin. C’est pour cela que cette décision doit être toujours motivée par un médecin, à l’issue si possible d’examens de laboratoires. Une étude nous montre que l’exposition de 11532 enfants à un traitement antibiotique dans les 6 premiers mois de la vie, entraîne une augmentation de poids significative au 38ème mois. Une des pistes de l’obésité est justement une modification du microbiote intestinal chez des souris exposées aux antibiotiques. Une fois ce microbiote perturbé transféré à des souris minces et dépourvus de microbiote, il transforme ces souris minces en obèses. Par ailleurs, une perturbation du microbiote dans la 1ère année de vie peut accroître des désordres psychologiques. Les perturbations de la régulation du système nerveux pourraient être même permanentes si le microbiote ne se corrigeait pas avant 3 mois.
Au vu de toutes ces études et de l’importance du microbiote dans le bon fonctionnement de l’organisme, nous pouvons dire avec conviction qu’il faut éviter l’abus d’antibiotiques. Et cela commence déjà par éviter l’automédication, par ne pas solliciter de la part des médecins la prescription d’antibiotique si cela n’est pas nécessaire ; mais plutôt en les exhortant à une prescription adaptée.
Dr NASSIROU Faïssal, Endocrino-Pédiatre périnatal Responsable du Service de Pédiatrie et de Néonatalogie de la clinque Procréa
Références
- Fiche réalisée avec l’appui de Nadine Cerf-Bensussan, directrice de recherche Inserm. UMR S1163. Laboratoire d’immunité intestinale. Institut Imagine.
- Laura M. Cox and Martin J. Blaser. Pathways in microbe-induced obesity. Cell Metab. 2013 June 4 ; 17(6) : 883–894. doi:10.1016/j.cmet.2013.05.004J.
- Rogers GB et al. From gut dysbiosis to altered brain function and mental illness: mechanisms and pathways. Mol Psychiatry. 2016 Jun ; 21(6) :738-48.
- Mathilde Jaglin. Axe intestin-cerveau : effets de la production d’indole par le microbiote intestinal sur le système nerveux central. Thèse de doctorat. 13 Déc. 2013